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Le Sutta du cauchemar

Avertissement

Ce sutta n'existe pas. Je l'ai écrit en guise de sonnette d'alarme, en don­nant une idée de la réaction de Bouddha s'il avait découvert la situ­ation actuelle divergente du boud­dhisme.

MN 153 Dussupina Sutta

Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là, le Bienheureux séjournait à Rājāgaha, dans le monastère de Veḷuvana. À l'aube, il sortit de sa chambre, s'apprêtant à effectuer son dernier périple.

Avant de se mettre en chemin, le Bien­heu­reux s'adressa aux moines :

— Moines !

— Oui, Maître, répondirent les moines.

Le Bienheureux leur dit :

— Je vais vous exposer, moines, le voyage que je viens d'effectuer, pendant le som­meil de cette nuit. Écoutez et prenez bien cet exposé en consi­dération, je vais parler.

— Oui, Maître, répondirent les moines.

Et le Bienheureux leur dit ceci :

— Ô moines ! Je me suis rendu vingt-cinq siècles plus tard, à une époque où la noble commu­nauté que j'ai établie est divisée comme une cruche d'huile tombée d'une falaise, brisée en de nombreux morceaux épar­pillés, la plus grande partie de l'huile perdue dans le sol.

La cruche est comparable à la cohésion de la commu­nauté monastique. L'huile est compa­rable à mon ensei­gnement.

De même qu'on trouve un peu d'huile dans le creux de rares morceaux, j'ai trouvé de rares monas­tères où les moines s'effo­rcent de pratiquer tel que je l'ai ensei­gné. J'ai aussi trouvé de nombreux lieux qui avaient l'appa­rence d'un monas­tère, mais en m'approchant, je n'ai rien vu de tel.

Au lieu de cela, j'ai vu des asiles, j'ai vu des maisons de retraite, j'ai vu des foyers de diver­tisse­ment. Je n'ai pas vu d'êtres ayant renoncé aux plaisirs du monde. J'ai vu des hommes à l'appa­rence de moines, qui ne cherchent que la compa­gnie des autres, ou celle des animaux. Entourés de la sorte, ils sont pourtant en proie à l'ennui, car ils ne prati­quent pas le déta­che­ment.

Ces lieux qui imitent des monastères sont à l'image de leurs occupants. Ils sont riche­ment décorés, étin­celants, surmontés de somp­tueuses toitures à étages. Mais à l'inté­rieur, ils sont remplis de choses inutiles, de poussière, avec un parquet dété­rioré sur lequel on ne peut pas se fier, et un mobilier non entretenu.

Les occupants sont richement équipés, portant des robes étin­celantes, leurs crânes sont si bien rasés qu'ils ressem­blent à des œufs de cane. Mais à l'inté­rieur, ils sont remplis de pensées inutiles, d'impu­retés mentales, avec une vertu dété­riorée sur laquelle on ne peut pas se fier, et une vigilance non entre­tenue.

Ces hommes, moines, sont sans raison, dépourvus de honte, et ne craignent pas les résultats doulou­reux d'un compor­tement nuisible. En dépit de la véné­ration que leur portent leurs bien­faiteurs, ils mènent une vie de paresse et d'avidité. À ces hommes, j'ai demandé :

Ô amis ! Quelle est votre communauté ?

Sans daigner me saluer, ils m'ont répondu :

Notre communauté est celle de Bouddha, le Bienheureux.

***

J'ai alors déclaré à ces hommes :

Ceci n'est pas ma communauté. Votre pratique n'est pas celle que j'ai ensei­gnée. Vous étudiez ma parole, mais votre mode de vie n'est pas en accord avec cette parole.

Bien que je recommande à mes dis­ciples de trouver un lieu calme et silen­cieux pour cultiver la paix inté­rieure, vous choisissez des lieux fréquentés et vous vénérez seulement des statues maquillées et parées comme des reines. Pourtant, dans vos com­por­te­ments, je ne distingue aucune véné­ration pour les sages vivants qui sauraient vous pro­di­guer les conseils bénéfiques.

Bien que j'autorise les robes faites de rebuts, vous portez de belles robes de qualité pour laisser croire que vous êtes des moines. Pourtant, dans vos com­por­te­ments, je ne distingue pas de res­treinte aux posses­sions, à la nourri­ture, ou à la paresse, qui pourrait montrer que vous êtes des moines.

Bien que j'autorise trois ou quatre mois sans rasage, vos crânes sont par­fai­tement rasés. Pourtant, dans vos esprits, je ne distingue aucun effort pour raser vos états mentaux désa­van­tageux.

Le matin, l'après-midi et le soir, vous récitez mes recomman­da­tions. Pour­tant, dans vos com­por­te­ments et dans vos esprits, je distingue que vous ne les appliquez pas.

Vous acceptez les donations, les mar­ques de res­pect et les éloges des bien­faiteurs. Pourtant, dans vos com­por­te­ments et dans vos esprits, je ne dis­tingue rien qui en soit digne.

Vous résidez presque tous dans les villages et dans les cités. De tels lieux sont ceux qui conviennent le moins à ceux qui ont choisi de mener la vie noble.

Si l'on immerge et laisse une fraise dans une soupe salée, elle garde l'apparence d'une fraise, mais elle devient com­plè­tement salée.

Aussi sûrement, si un moine s'installe et demeure dans un village ou dans une cité, parmi les maîtres et les maîtresses de maison, il garde son apparence de moine, mais il adopte les désirs, les habitudes et les possessions des maî­tres et des maîtresses de maison.

Grisé par les désirs, les habitudes et les possessions des maîtres et des maî­tres­ses de maison, il oublie son devoir de restreinte, il perd sa vigilance, il ne demeure plus dans l'acceptation, le contentement et le détachement.

Empêtré dans le désir et l'aveuglement, portant l'habit des êtres nobles, il se prépare à de douloureuses re­nais­san­ces.

À ce moment-là, moines, pour la première fois en quarante-cinq ans d'en­sei­gne­ment, j'ai été interrompu sans qu'on me laisse poursuivre.

Il y avait d'étranges cônes de fer qui se sont mis à répandre un bruit qui ressem­blait à une voix déformée. Cette voix, puissante comme cent éléphants qui barris­sent en même temps, semblait nor­male à ces hommes, et cela se re­trou­vait dans tous les lieux similaires.

Des moines dirent :

— Pour le moins, Maître, vous avez ser­mon­né ces hommes égarés exactement comme les circonstances le demandaient.

Le Bienheureux répliqua :

— À la vérité, moines, un seul me prêtait une demi-oreille. Les autres regardaient des petits miroirs magiques qui mon­traient de nombreuses images.

Ils semblaient bien plus préoccupés par l'évolution des choses matérielles que par celle de leur esprit.

***

Au coucher du soleil, je me suis écarté des zones habitées. Ayant trouvé un arbre convenable pour la nuit, je me suis assis, je me suis absorbé dans les quatre états de conscience matériels puis dans les quatre états de conscience immatériels.

En quittant ces absorptions, des hommes du roi de leur époque se tenaient autour de moi. L'un d'eux m'a dit :

Vieux mendiant étranger, que fais-tu ici ?

Je lui ai dit que je me préparais au repos nocturne. Il m'a fait un signe vif et menaçant de la main, et a déclaré :

Tu n'es pas autorisé à rester ici. Tu es sur la propriété d'une communauté bouddhiste.

Et c'est ainsi que s'est achevé mon rêve.

Indignés, des moines s'exclamèrent :

— Ce n'est pas un rêve, Maître, c'est un cauchemar ! Il faut faire le nécessaire pour que cette situation ne se produise jamais.

— J'ai exposé les avantages de développer et d'entretenir des com­por­te­ments sains. J'ai exposé les désavantages de dé­ve­lopper et d'entretenir des com­por­te­ments malsains.

Je peux conseiller un médicament, mais je ne peux pas forcer tout malade à l'avaler. Je peux mettre en garde contre un poison, mais je ne peux pas retenir tout le monde de le goûter.

Le Bienheureux prit son bâton, son châle et son bol, puis se mit en chemin pour Kusi­nā­rāma, accompagné de ses disciples.

Soucieux de ne pas attrister ses moines les plus sensibles, le Bienheureux se garda de préciser qu'il ne s'agissait pas d'un rêve ordinaire, mais d'un rêve prémonitoire.

Voir aussi :

L'ignoble sangha