La vertu
À quoi ça sert ?
Ingrédient de base
Il est rare qu'on la prône, on n'en parle presque pas. Pourtant, la vertu est essentielle à notre développement spirituel.
Quelle idée en avez-vous ? Que répondez-vous à la question :
- À quoi peut bien servir la vertu ?
Pensez-vous qu'il s'agisse d'être bien vu par votre entourage, d'accumuler du mérite, ou encore, d'acquérir la confiance des autres ?
En réalité, c'est bien plus que cela. La vertu est l'ingrédient de base indispensable à la compréhension de l'esprit, au discernement, à la liberté intérieure. Elle est le préliminaire de la méditation. Sans elle, il est tout bonnement impossible de méditer avec efficacité. Pourquoi cela ?
Obstacles à la liberté
Imaginons que vous vous soyez rendu(e) dans un grand parc pour méditer un peu. À peine installé(e) à l'ombre d'un vénérable marronnier, vous réalisez avoir quitté votre appartement trop précipitamment. À tel point que vous ne savez même plus si vous avez fermé la porte à clé…
Tiraillé(e) par un tel doute, allez-vous réussir à vous délasser complètement pour une bonne méditation en toute sérénité ? Parviendrez-vous à ne vous préoccuper que de l'instant présent, sans ressentir la moindre des tensions ?
Imaginons maintenant que vous vous revoyez parfaitement fermer la porte à clé. Ouf ! Néanmoins, ce que vous avez oublié, c'est d'éteindre le four. Ce mois-ci, votre facture d'électricité sera plus élevée que d'habitude. C'est dommage, car votre budget est déjà serré. À part cela, il n'y a aucun danger, vous pouvez fermer les yeux et respirer calmement. Le prochain bus pour rentrer n'est que dans une heure. Pendant ce temps, autant profiter de la tranquillité du parc.
Cependant, sachant que le compteur est en train de tourner pour rien, serez-vous capable d'ignorer cette pensée et de tout relâcher en vous ? Pourriez-vous vous sentir totalement en paix ?
De façon similaire, l'immoralité engendre une gêne de l'esprit. Ce malaise est un obstacle à la tranquillité intérieure, et par conséquent à la compréhension profonde.
Mettez-vous dans la peau d'un voleur. Aujourd'hui, vous avez dérobé divers articles dans quelques magasins. Ayant entendu parler des bienfaits de la méditation, vous éprouvez l'envie d'essayer. Vous vous asseyez, fermez les yeux et respirez calmement, ce qui vous apaise. Mais rapidement, un nuage de négativité remonte à la surface. Sachant que votre mode de vie est malsain, votre esprit ne peut connaître la quiétude. Soit vous éprouvez de la honte, soit votre mental trouve toutes les raisons pour justifier vos actes. Quand une mouche vient taper contre la vitre, vous sursautez. Quand vous entendez des pas dans les escaliers, vous tressaillez. Quand on frappe à votre porte, vous bondissez et vous concluez :
- La méditation, c'est vachement trop dur, c'est pas fait pour moi !
Bien mal acquis ne profite jamais.
À l'identique, un individu qui baigne dans le mensonge, qui se soumet à l'alcool, ou qui s'investit copieusement dans les plaisirs sensoriels, pour ne citer que ces quelques exemples, verra son esprit bien trop pollué pour espérer un quelconque succès dans son développement spirituel.
Les actes nuisibles engendrent inévitablement des états d'esprit négatifs, tels que :
- Confusion
- Craintes
- Angoisses
- Doutes
- Regrets
- Frustrations
Bien que cela puisse être plus subtil à appréhender, même les actes néfastes minimes suffisent à entraver le processus qui conduit à la Délivrance. Pour avoir une idée de l'étendue du problème, il suffit de se pencher vers l'expérience des méditants. La plupart d'entre eux, bien que très vertueux dans l'ensemble, sont soumis à rude épreuve par toute une armée d'obstacles. Ces barrages de l'esprit sont dus à des micro-états d'esprit négatifs dont il ne sont même pas conscients. Seules de profondes prises de conscience en viendront à bout, grâce à la patience, la persévérance et la vigilance.
Pour les obstacles les plus grossiers, le problème est beaucoup plus simple. Prendre soin de sa vertu suffit à les pulvériser !
Une absence de choses
Il convient de comprendre que la vertu n'est pas une chose, mais une absence de choses. “Développer la vertu” n'est donc qu'une façon de parler. De la même manière, lorsque nous parlons de “gagner de l'espace vide” dans sa maison, cela ne signifie pas que nous sommes allés au marché acheter quelques mètres cubes d'espace vide pour les installer chez soi. Pour parvenir à ce résultat, nous avons retiré des bibelots gênants et du mobilier inutile.
À l'identique, pour “gagner de la vertu”, nous allons retirer des comportements gênants et des volitions nuisibles. La moralité consiste donc à faire du vide dans sa tête, à y retirer ce qui gêne. Quelles que soient les qualités que vous souhaitez développer, il n'y a qu'en étant vide, libre, spacieux(se), vacant(e), disponible, que vous y parviendrez efficacement.
Pour l'accomplissement intérieur, nous n'avons besoin de rien du tout ! Tout ce que nous avons à faire, c'est de nous défaire de ce qui obstrue. Et pour nettoyer les obstructions, nous n'avons pas besoin de détergent. Nous évitons simplement les saletés d'apparaître en nous entraînant à contrôler notre esprit. Nous nous abstenons, autant que faire se peut, de tout état d'esprit désavantageux.
Le secret d'un pays propre n'est pas de bien le nettoyer, c'est de ne pas le salir.
Une affaire de lâcher-prise
Vous l'aurez sans doute compris, la vertu est avant tout une affaire de lâcher-prise, de détachement. Cela signifie aussi que si vous êtes bien détaché(e), votre vertu ne pourra plus être bien sale. En effet, les manquements à la vertu concernent les actes provoqués par un attachement excessif, voire incontrôlable :
- Abattage d'un animal
- Abus sexuel
- Vol
- Consommation d'alcool
- Mensonge
- etc.
Comment reconnaît-on le vertueux ? Il s'abstient d'intentions nuisibles, de paroles nuisibles et de comportements nuisibles. Ici, nuisible se réfère autant à soi-même qu'envers les autres. La vertu sert donc à réduire les poisons du mental.
Comment s'améliorer ?
Le bon moyen d'améliorer notre vertu est de sonder régulièrement notre état d'esprit. Avant une parole ou une action, nous restons vigilants à notre réelle intention. C'est un entraînement constant et quotidien, qui à l'instar de l'apprentissage d'une langue, finit par devenir naturel.
L'antidote à la méconduite n'est ni l'étude, ni la réflexion. C'est la vigilance consciente. Quand on voit le salissant, on ne veut plus se salir.
Le piège à éviter est celui de se comparer aux autres. Un menteur qui boit un verre de vin par jour peut se prendre pour un saint, s'il vit entouré de voleurs ivrognes. De plus, il est impossible d'échapper à l'influence de son environnement, d'où l'importance, comme Bouddha le préconisait, de préférer la fréquentation avec des individus plutôt sages que sots. Si vous ne pouvez vous empêcher de vous comparer, alors faites-le avec la perfection.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
…Pourrait être ? [Réponse]
…Rêverait d'être ?[Réponse]
…Est en réalité ?[Réponse]
La restreinte
La restreinte des sens
Selon Bouddha, le manque de restreinte des sens alimente la mauvaise conduite, qui alimente les entraves à la méditation, qui alimentent l'ignorance.
La restreinte concerne tout ce qui suscite de l'attachement, par les 6 sens. On parle donc de :
- restreinte du corps
- restreinte de la vue
- restreinte de l'ouïe
- restreinte du goût
- restreinte de l'odorat
- restreinte du mental
Pour le mental, il s'agit du plaisir de l'intellectualisation, de certaines idées. Néanmoins, penser à votre glace préférée au caramel et chocolat relève de la restreinte du goût.
Quelles sont les premières choses dont il conviendrait de se restreindre ? De tout ce qui peut produire du désir. Principalement :
- sexe
- nourriture
- sommeil
- confort
- distraction
Vous pouvez travailler sur ce qui vous est le plus facile à abandonner, mais il importe de travailler en même temps sur les points les plus tenaces. Ces derniers se constituent de plusieurs couches dont les premières sont plus faciles à nettoyer. Par exemple, vous gardez vos trois repas par jour, vous gardez même la glace au chocolat, mais substituez à la viande des pois, remplacez les boissons gazeuses sucrées par du thé vert, évitez de grignoter entre les repas, réduisez ce qui est trop sucré ou trop transformé… Ce qui favorise la restreinte est le fait de savoir que généralement, les aliments mauvais pour la vertu le sont aussi pour la santé.
Si abstention signifie renoncement, restreinte signifie réduction. Bien entendu, il convient de modifier ses habitudes désavantageuses de façon progressive. Seul, un renonçant avancé sera capable de réduire ses besoins vitaux au strict minimum et de renoncer complètement à ce qui n'est pas indispensable.
Nul ne peut plus l'ignorer, les problèmes écologiques tendent à faire s'interroger sur la surconsommation. Par contre, vue sous l'angle du développement spirituel, la restreinte est loin de constituer un sujet populaire. Pourtant, elle est le pilier central de tout accomplissement intérieur. Constatez à quel point “restreinte” est presque synonyme des principales qualités sources de la sagesse :
- détachement
- contentement
- renoncement
- humilité
- lacher-prise
- vertu
Se restreindre ne signifie pas se forcer, ni s'imposer, ni s'interdire. Il s'agit plutôt d'éviter un accroissement incessant de conforts, de plaisirs et de distractions. Ce laisser-aller conduit inévitablement à une dépendance nuisible. Ainsi, préférons cultiver l'habitude de nous contenter de ce qui est naturel est nécessaire.
La restreinte implique aussi calme et vigilance. Autant pour les ressources planétaires que pour notre pratique de paix intérieure, elle mériterait bien de figurer parmi nos premières préoccupations, qui oserait le dénier ? Or, nous consacrons toutes nos énergies à nous investir corps et âmes dans une boulimie de plaisirs et de distractions.
Sans aucune distraction, la vie doit être triste à mourir !
La distraction
C'est exactement l'inverse : ceux qui n'ont plus besoin de distraction sont – de loin – les plus heureux. Le besoin de distraction est une maladie imaginaire, car l'esprit –tout comme le cerveau – est bien plus satisfait dans le calme, le silence, le rien. Ce sont d'ailleurs les seules conditions qui permettent le bonheur authentique, l'extase, la béatitude.
Si, comme à peu près tout le monde, vous avez l'habitude de vous distraire en permanence, vous retrouver soudainement privé(e) de toute distraction vous ferait éprouver un manque considérable. Ce ne serait pas à cause de l'absence de distraction, mais à cause de l'effet drogue.
À l'origine, distraction signifie perte de l'attention. « Inapplication de la pensée aux choses dont on devrait s’occuper », peut-on lire sur Wikipedia.
L'étymologie latine exprime la discorde, la désunion.
Si nous sommes autant enclins à la distraction, c'est avant tout parce que nous ne parvenons pas à nous accepter tels que nous sommes. Nous craignons de voir ce qui est, de côtoyer notre état naturel, comme un enfant qui préfère des aliments artificiels bardés d'arômes chimiques que des fruits frais. Alors, nous nous distrayons, comme certains boivent ou se piquent.
Jeune moine, en proie à une montagne de petits attachements, j'étais convaincu qu'ils ne m'empêcheraient toutefois pas de bien méditer. Je songeais même qu'il était bien de garder quelques-uns de ces petits désirs. Repenser aujourd'hui à un tel aveuglement me fait bien sourire.
En réalité, aussi subtils et inconscients soient-ils, les attachements freinent et bloquent le processus d'éveil. Je n'ai plus de doute là-dessus : l'absence de distractions est un pur bonheur, une délivrance en soi.
Bouddha l'a bien dit : Les divertissements et les jeux constituent une difficulté dans la réalisation de la moralité. Plus l'esprit est nettoyé des désirs, jusqu'aux plus petits, plus il est possible de pénétrer dans les merveilleuses profondeurs de la méditation. Il y a un paradoxe : plus nous abandonnons ce qui nous passionne, plus la vie devient passionnante.
pour plus de paix
Si, selon son propre rythme, tout le monde s'adonnait à ne serait-ce qu'un peu de restreinte, il n'y aurait plus d'inégalités, plus de guerres, plus de destruction écologique et plus de produits chimiques dans la nourriture.
Bien sûr, c'est utopique. C'est juste pour donner une idée de la puissance du bienfait de la restreinte.
Lâcher-prise en douceur
La distraction est un moyen d'oublier ses difficultés. Le vice, c'est que lorsque nous voulons nous distraire plus, cela génère de nouvelles difficultés. À l'inverse, quand nous renonçons, nous renonçons aussi aux difficultés ; nous n'avons donc plus besoin de trouver une fuite.
Pour lâcher-prise sur les mauvaises habitudes, il n'y a besoin d'aucun forçage, seulement de la compréhension et un peu de détermination. Si nous forçons, nous récoltons de la frustration.
Pour être propre, nous n'allons pas nous parfumer pour masquer la crasse. Pareillement, le travail spirituel consiste avant tout à nettoyer ce qui est sale. Pour se faire, il convient d'abord de déceler, puis d'admettre ce qui est sale, malsain, inconvenant. C'est pourquoi l'acceptation et la vigilance sont des clés dans le développement de la vertu, de la méditation, et enfin, de la sagesse.
La vertu des renonçants
Désinvestissement
Savez-vous ce qui caractérise le plus un moine ? Le désinvestissement. Un renonçant passe sa vie à se désinvestir de tout. Il se contente de solitude, d'isolement et de silence. Son esprit est si libre qu'il ne veut certainement pas l'encombrer.
Ce qui rend difficile l'accès à cette magnifique simplicité, c'est l'habitude de l'esprit à s'investir sans cesse dans des activités, des plus mentales aux plus sociales, en passant par la palette infinie des distractions. Quand on est renonçant, la seule chose dans laquelle on se retrouve pleinement investi, c'est le désinvestissement !
Or, beaucoup de moines ne suivent pas les recommandations de Bouddha. Ils se déguisent en moine, rien de plus. Faites plutôt l'inverse : tout ce que recommande Bouddha, sans vous déguiser en moine.
Discipline monastique
Même s'il doit être observé, le Vinaya n'est qu'un outil. Sans rien en connaître, celui qui reste parfaitement honnête, respectueux et pacifique a de fait une vertu impeccable. Par contre, suivre la discipline monastique à la lettre n'empêcheront pas les saletés de l'esprit. Sans briser de règles, certains moines parviennent à des fins peu honorables.
Qui connaît bien le Vinaya peut tuer un poulet.
De plus en plus, hélas, les moines accordent de l'importance à leur apparence, au point d'en négliger complètement le reste. Vous les verrez toujours dans une belle robe, le crâne parfaitement rasé. Certains s'oignent même de l'huile pour se faire “briller le caillou” ! Cependant, si vous entrez dans leur chambre, vous verrez, par exemple, des mégots partout, une accumulation et un désordre indescriptibles, des objets qui n'ont rien à faire dans les mains d'un moine…
Pour une intégrité et une discipline digne de leur statut, les moines bouddhistes devraient entrer dans les ordres, à l'instar des moines chrétiens, seulement en cas de réelle vocation.
Bouddha a pourtant mis en garde : porter la robe monastique sans vertu, c'est voler la vénération, et cela, c'est le plus grand des vols.
Comment expliquer le comportement catastrophique des moines, actuellement ? Il faut simplement comprendre qu'ils ne sont pas des moines, mais des gens ordinaires qui portent une robe monastique. Leur pratique n'es pas motivée par un souhait de libération spirituelle, mais par des croyances religieuses où la restreinte demeure superficielle. Lorsqu'on n'est pas investi dans la restreinte, on chavire naturellement vers son opposé : l'avidité.
La parole juste
Le 4e précepte se confine au mensonge, mais la restreinte au niveau de la parole, afin de cultiver ce que les bouddhistes appellent la parole juste, est de quatre types, donc quatre nuisances sur lesquelles s'entraîner :
- le mensonge
- la médisance
- le langage grossier
- le bavardage futile
Le mensonge
La médisance
Presque un réflexe naturel pour la plupart d'entre nous. Qui ne critique jamais les autres ou leurs œuvres ? Quoiqu'il en soit, il est à la portée de tous de “tourner sept fois” son attention à une intention verbale avant de parler.
…Ou avant d'écrire ! C'est que t'y vas quand même pas avec le dos de la cuillère, quand tu critiques les moines !
Je ne le fais pas de bon cœur, et certainement pas par médisance, mais pour prévenir de la vénération aveugle. N'importe qui voyant les choses telles qu'elles sont peut le constater : aujourd'hui, le sangha n'est qu'un nid à parasites. Il s'est transformé en service social pour âmes égarées, loin de sa vocation d'origine ; celle d'une noble communauté qui incarne et véhicule la voie de la Délivrance. Quel observateur honnête oserait contredire ce point de vue ?
Cela dit, je dois admettre que tu n'as pas tant tort. L'idéal est de rester silencieux et laisser les autres se rendre compte par eux-mêmes, et de se concentrer sur ce qui est (ou serait) correct. Encore une tendance bien ancrée sur laquelle il me faut travailler.
Concernant les critiques à tendance calomnieuses, sachons que cela finit tôt ou tard par nous retomber dessus.
Pour éviter la médisance ou la calomnie, parlez comme si la personne visée était présente. Et s'il y a des choses à régler, parlez-en amicalement à la personne concernée. Un esprit sincère et courtois est toujours bienvenu.
Tu le dirais devant des moines, que ce sont des parasites ?
Si une occasion se présente, oui ! D'ailleurs, j'ai souvent dit à certains d'entre eux leur comportement était à l'opposé des recommandations de Bouddha et qu'ils se préparaient à des conséquences karmiques très douloureuses. Leur réaction ? Le plus souvent, ils admettent, ricanent, et n'en ont rien à faire. Rarement, il rougissent un peu, puis s'empressent de dévier le sujet.
Le langage grossier
La vulgarité, l'obscénité, les insultes. Par exemples : une blague salace, des gros mots.
Beaucoup croient qu'il est impossible de s'abstenir de gros mots en étant sous l'effet de la colère. Cependant, comme par magie, nous y parvenons fort bien lorsque nous sommes en présence d'une personne à qui nous souhaitons montrer une bonne image de soi. Voilà la preuve que c'est possible. Et n'oublions pas que c'est dans la difficulté que le travail de restreinte est le plus efficace.
Imaginez que vous avez un ange protecteur qui tend l'oreille chaque fois que vous êtes sur le point de proférer un vilain mot.
Voilà qui ressemble à un conseil donné à un enfant, mais tant que nous n'avons pas acquis l'indépendance d'un renonçant, qu'avons-nous de plus qu'un enfant ?
Je dois admettre que lorsque, par exemple, une application dysfonctionne, il m'arrive de proférer une suite de gros mots. Une vilaine habitude que je n'ai jamais jugée bien méchante. Il serait temps de nettoyer cela, et convenable d'appliquer ses propres conseils… C'est décidé : dès maintenant, opération “bouche propre” ! Jusqu'à ce que la belle habitude devienne naturelle.
Un autre conseil – qui là aussi vaut bien pour moi – est de substituer les mots grossiers par des mots inoffensifs (idéalement qui leur ressemblent). Exemple :
- Puré ! Je me suis fait berné par cette médiocrité, je vais me faire enguirlander pour cette étourderie !
N'allez pas croire que cela soit ringard. Pour sûr, c'est la vulgarité qui l'est. Ce peut être très amusant de remettre au jour des expressions désuètes. L'autre avantage est que cela contribuera à éteindre notre colère.
- Sapristi ! C'est affligeant d'être floué par de telles canailles. Je suis bien cruche, parbleu !
Le bavardage futil
En plus de gaspiller un temps précieux, le bavardage n'apporte pas de bénéfices concrets. Nourri par le désir de distraction, il est un terrain propice à la médisance et à la circulation d'informations susceptibles de créer des états d'esprits négatifs.
Les conversations convenables
Bouddha a exposé les 10 sujets de conversation convenables pour les moines :
- le peu de désirs
- le contentement
- l'isolement
- la non-association aux autres
- l'activation de l'énergie
- la vertu
- la concentration
- le discernement
- la libération
- la connaissance et vision de la libération
Il est probable que vous ne soyez pas encore moine, nonne ou ascète. Que chacun aille à son rythme ! Juste pour vous donner une idée, les sujets de conversation ci-dessus deviennent si prenants pour les renonçants, que bien naturellement, ils ne veulent pas perdre de temps avec le bavardage futil.
Bien sûr, il convient d'accorder la même vigilance au bavardage parlé qu'écrit.
Pour cultiver calme et vertu, n'abusez pas de Facebook.
(peut-être qu'il n'a pas dit cela, en fait)
La métaphore du bateau
Imaginez un bateau qui possède quelques cabines. Chacune d'elles est confortablement équipée : l'air conditionné, un réfrigérateur bien rempli, une belle décoration, un lit au matelas moelleux, etc. À côté de cela, sa coque est endommagée, elle a plusieurs trous. Le capitaine tente de traverser la mer, mais aussitôt son navire mis à flot, l'eau entre, et en quelques heures seulement, il coule rejoindre le fond des océans.
Qui serait suffisamment inconscient pour penser qu'un tel bateau vaut mieux qu'un autre qui n'offre que de simples cabines, sans la climatisation, sans décoration, avec un vieux frigo plein de vide, mais avec une coque en parfait état ?
Vous l'aurez deviné, la coque est la vertu, l'aménagement confortable correspond aux possessions et aux connaissances. L'océan, c'est le chemin qui mène à l'accomplissement spirituel.
À l'instar du capitaine du premier bateau (celui qui sert maintenant d'habitation au corail, oursins et poissons), certains peuvent être pointilleux sur des détails insignifiants, et négliger les points les plus importants, tels que le mensonge, la violence (comme l'industrie de la viande), l'alcool ou l'adultère.
Si votre coque reste intacte, et que d'autres critiquent votre bateau pour son équipement rudimentaire, n'en tenez pas rigueur. Un jour, ils vous supplieront pour que vous leur lanciez une bouée de sauvetage.
Inutile, donc, de mettre la charrue devant les bœufs, préoccupons-nous toujours en priorité des fondements de la vertu.
Les préceptes de base sont comme la coque d'un voilier. Les préceptes suivants comme les voiles, la quille et le gouvernail. Si un seul manque, il est impossible de parvenir à l'île de l'Éveil.
Nombreux sont ceux qui affirment :
- Un petit mensonge de temps en temps, ça ne fait rien, ce n'est pas grave !
Espérons qu'ils sauront se montrer compréhensifs si, en pleine mer, le capitaine du navire leur dit :
- La coque est percée de quelques petits trous, mais ça ne fait rien, ce n'est pas grave !
Il existe 3 points qui constituent un excellent critère. Si, dans son quotidien, un moine les respecte bien, il y a une forte probabilité d'avoir affaire à un authentique renonçant :
• Il n'accepte ni n'utilise d'argent.
• Son regard demeure paisiblement vers le bas (particulièrement dans les lieux animés).
• Il évite le bavardage (mais peut parler de ce qui a trait au cheminement spirituel).
L'irréprochabilité
Qui dit vertueux dit irréprochable. Oui, mais pas aux yeux des autres ! Car les yeux d'un esprit sale verront de la saleté partout, même chez le plus sain des saints. Nous sommes nombreux à nous méprendre sur l'irréprochabilité, que nous confondons avec le désir de donner une bonne image de soi.
Si vous manquez de vigilance, vous tomberez dans ce piège fréquent qui consiste à travailler pour son ego. De la sorte, en dépit de votre volonté de bien faire, vous ne récolterez qu'un champ de frustrations et de souffrances.
Riez des critiques, faites fi des regards et agissez seulement selon ce que vous savez, au fond de vous, être juste, sain et honnête. Cessez de nourrir l'image à donner. Au contraire, investissez-vous pleinement dans le lâcher-prise, voie rapide vers la sagesse. Devenir irréprochable commence par admettre ses fautes et accepter l'idée que les autres puissent ne voir que cela.
L'humilité est la porte d'entrée de l'irréprochabilité. Mais attention, il y a aussi de nombreuses portes de sortie, dont le désir de paraître juste, ou pire encore : celui de paraître humble.
Pour qui, alors, convient-il d'être irréprochable, si ce n'est pas pour les autres ? Pour vous, bien sûr, car vous seul(e) avez besoin de savoir ce qu'il reste à nettoyer pour vous libérer.
Ainsi, si vous voulez vous aider à devenir irréprochable, faites comme si les autres ne devaient pas le savoir ! Quoi qu'il en soit, plus vous vous purifiez, plus les êtres enclins au développement spirituel seront sensibles à votre aura et connaîtront le bonheur de puiser inspiration et motivation dans votre exemple.