La réussite
Que réussir ?
Nous voulons tous réussir dans la vie, mais que signifie réussir ? Réussir quoi ? Pour quoi ? Puis ensuite ? Tant de questions !
Réussirez-vous au moins à trouver par vous-même ce qui, pour vous, vaut le plus la peine d'être réussi ? J'en suis sûr. À défaut de pouvoir répondre à votre place, je peux vous donner quelques pistes…
Imaginons que nous demandions à des individus de tous âges et de toutes les classes sociales : Que signifie pour vous réussir dans la vie ? Naturellement, la plupart des interrogés avanceront une situation qui correspond à leurs désirs du moment. Une majorité de réponses, à n'en pas douter, décriront des situations improbables, voire inaccessibles. Ce qu'ils auront pour cible ne correspondra pas à leur réalité. D'ordinaire, l'esprit confond facilement “ce qui vaut la peine que je réussisse” et “ce que je rêverais de réussir”.
Lorsque vous voyez quelqu'un qui représente une certaine réussite à vos yeux, questionnez-vous. Il peut s'agir d'un individu qui brasse beaucoup d'argent, qui maîtrise des connaissances, qui est pourvu d'une grande habileté, qui a décroché des diplômes “importants”, qui est très respecté dans sa discipline, etc. Demandez-vous toutefois :
- Connaît-il la satisfaction ?
- Est-il si heureux que cela ?
- Peut-il encore passer du temps avec ses enfants ?
- Est-il au moins en mesure de jouir de ses biens ?
- Ne court-il pas sans cesse après d'autres but ?
Nous pouvons aussi nous demander si la réussite peut être une affaire d'égoïsme, ou si au contraire, elle englobe le bien-être des autres. Dans le cas du monde des affaires, en maintenant une vision large, nous constaterons que “réussir dans la finance” implique que de nombreux autres échouent.
Prendre le minimum pour soi constitue l'idéal de la générosité, car nous laissons tout le reste aux autres.
Quelqu'un qui possède 2 millions et qui donne 1 million aux pauvres n'est pas si généreux que cela, puisqu'il garde tout de même 1 million pour lui-même.
La question qui émerge ici est la suivante : la réussite dans l'égoïsme est-elle une réussite qui en vaut la peine ?
Comprendre ce qu'est la réussite peut sembler important, surtout quand on sait que cela implique la question : Que faire de sa vie ?
La question à se poser pourrait alors être : “Quel but devrais-je avoir ?”, mais avant tout : “Devrais-je avoir un but ?”
Quel but choisir ?
Dialogue avec un moine
- Quel est votre but dans la vie ?
- Mauvaise question.
- Quelle est la bonne question ?
- Ce pourrait être : Que développez-vous de bénéfique au quotidien ?
Le but du chemin,
c'est le chemin lui-même.
Si vous renoncez à toute idée de but, vous préoccupant uniquement de l'instant présent, vous êtes tout de même assuré(e) de réussir un certain nombre de bonnes choses :
- Calme
- Détachement
- Bien-être
- Lucidité
- Fin des pensées inutiles, fatigantes, stressantes…
Vous n'êtes pas capable d'être sans but ? Je vous rassure tout de suite : non seulement vous pouvez poursuivre un projet tout en restant dans l'instant présent, mais de plus, c'est de loin la meilleure option pour sa réussite !
Quand un but qui semble avantageux se profile à l'horizon, même s'il est totalement inutile d'y penser, il est bien sûr difficile de ne jamais penser. Disons que nous pouvons toujours essayer de réduire un minimum les pensées liées au résultat accompli, et privilégier celles liées à la réalité. Sinon, ce serait gaspiller du temps, et pire encore, multiplier les désirs, les attachements et les illusions. Nous procédons un peu comme en voiture…
Au rond-point, nous empruntons la bonne direction. Mais ensuite, nous restons concentrés sur la route. Nous nous dirigeons alors vers la destination dans les bonnes conditions. Si nous nous mettons sur le côté de la route pour réfléchir à cette destination, nous cessons d'avancer.
Vous aimez les métaphores ? En voici une autre : Si nous souhaitons construire une maison, mais que nous passons notre temps à songer au résultat, le chantier avancera difficilement. La meilleure chance de réussite sera certainement de poser les briques une à une et d'avoir chaque fois pour but la brique suivante.
Bien que sa mise en pratique ne soit pas toujours évidente, il est néanmoins facile de comprendre que la vigilance à l'instant présent est le principal facteur de la réussite.
Avant d'établir des projets destinés à nous satisfaire (disons au-delà des besoins de base), nous devrions peut-être investiguer la possibilité de réduire notre désir de satisfaction. Beaucoup – pour ne pas dire “à peu près tout le monde” – croient qu'il est merveilleux de parvenir à obtenir régulièrement ce dont on ne peut (ou ne veut) pas se passer. Ce type de réussite reste pourtant insignifiant comparé au fait de parvenir à se passer de tout, à être en harmonie avec l'austérité, la pauvreté, le rien, les choses telles qu'elles sont.
Parle pour toi ! Quand on a une famille à nourrir, à loger, des enfants à éduquer, si on se met à faire l'ascète qui renonce à tout, qu'est ce qui se passe ? Toute la famille se retrouve à la rue ! T'appelles ça une réussite ?
Je n'ai pas dit que tout le monde devrait renoncer à tout. J'ai seulement exposé des façons de procéder et leurs résultats, en mettant la lumière sur “la réussite idéale”. Lorsque nous avons à notre charge le bien-être matériel, affectif et éducatif d'une famille, il est bien évident qu'il nous faille adopter un minimum de projets adéquats.
Or, à l'exception du renoncement complet, ces pratiques sont compatibles avec une vie active et familiale. Dans ce contexte, elles sont même très avantageuses. Quelles pratiques ? Celles de l'instant présent, de la réduction des attachements et la poursuite de buts plus simples, plus sains, plus en accord avec la réalité quotidienne.
Clés pour la réussite
Comme nous l'avons vu plus haut, l'idéal est de faire comme les grands sages : n'avoir aucun but et cultiver le contentement, en ne prenant que ce que la vie nous apporte.
Si toutefois le besoin de but est trop fort, il est bien, tout au moins, de savoir ce que nous voulons vraiment et ce que nous pouvons vraiment.
Si vous pratiquez la musculation et que vous n'êtes pas capable de soulever des haltères de plus de 20 kg, il est probable que vous fixerez pour but de réussir avec des haltères de 25 kg.
Il est certain que vous ne tenterez pas directement d'en soulever à 100 kg. Parce que vous savez que la frustration risque d'être encore plus lourde que les haltères.
Quel que soit ce que vous voulez et ce que vous pouvez, ou même si vous ne savez pas encore ce que vous voulez ou ce que vous pouvez, ce qui est néanmoins clair, c'est que vous espérez une qualité de vie aussi bonne que possible, n'est-ce pas ?
Tu prends tes lecteurs pour des gamins ? Tu crois vraiment qu'on n'est pas capable de penser à ça par soi-même ?
Il y a des choses simplissimes, mais essentielles, qu'il n'est jamais inutile d'entendre encore et encore, surtout en y mettant plus d'attention que d'habitude. Nous oublions souvent que les choses les plus importantes sont souvent les plus simples.
Quand nous conversons avec un enfant, ce n'est pas seulement pour lui qu'il importe de bien l'écouter ; l'avantage est aussi pour soi. Nous apprenons de lui autant qu'il apprend de nous.
Jeune, convaincu que je comprenais tout mieux que les autres, je n'écoutais jamais personne. Quand j'ai commencé à découvrir l'humilité, j'ai appris quantité de choses utiles. Dans quel domaine que ce fût, je me suis mis à écouter tout le monde, même les plus novices.
Depuis, je sais que ceux qui en connaissent moins que moi savent des choses que je ne connais pas, ou tout du moins, qu'ils peuvent me fournir des informations nouvelles pour moi, ou me montrer un savoir-faire qui peut améliorer le mien.
Pour en revenir à nos moutons, il me faut ajouter que la qualité de sa vie n'est pas due à celle de son travail, mais à celle de son esprit. Pour s'en convaincre, il suffirait de pouvoir sonder le bien-être de différentes personnes exerçant le même emploi.
Quitte à réitérer l'idée exposée plus haut : je crois qu'il est bien de garder à l'esprit que la meilleure façon d'améliorer sa qualité de vie ne consiste pas à acquérir de nouvelles choses, mais à changer sa vision. Il y a déjà tant à faire avec ce qui est déjà là. Pourquoi perdre du temps et de l'énergie à chercher ailleurs ? Il n'est pas la peine d'aller bien loin ; nous disposons constamment d'une grande richesse à portée de main. Il n'y a qu'à ouvrir les yeux, et à prendre son temps pour observer et découvrir ce qui s'offre à nous.
La vie vous procure exactement l'expérience dont vous avez le plus besoin pour que votre conscience évolue.
Selon ce que vous espérez réussir, n'oubliez pas que le plaisir n'est jamais gratuit. Si vous ne le saviez pas encore, notez-le bien : un plaisir n'est qu'une sensation perçue comme agréable, physique (comme un goût ou un toucher) ou mentale. Vouloir réexpérimenter cette sensation est un désir. Entretenir un désir apporte toujours plus de malheur que de bonheur.
Un esprit suffisamment clair et détaché le distingue bien : un désir qui ne peut être satisfait sur le coup n'est qu'une frustration. Pour échapper à la prison des attachements, il suffit donc, chaque fois qu'un désir se pointe à l'horizon, de l'ignorer. Ou plus exactement, de le voir tel qu'il est et de le laisser de côté. Ce n'est pas plus compliqué que cela, mais là aussi, la pratique est bien moins aisée. En tout cas, il est au moins facile de les diminuer. Pourtant, les humains passent leur temps à se nourrir de désirs en tout genre. Ils adorent se torturer l'esprit. On peut presque parler de masochisme !
De façon similaire, si vous vous intéressez à ce que vous devriez être, vous ne récolterez que de la misère. Si vous vous intéressez plutôt à tel que vous êtes (oui oui, même avec vos pires défauts !), alors vos bénéfices seront incomparablement supérieurs. Il se pourrait même que vous découvriez que vous n'êtes pas. Si cette idée peut paraître un tantinet effrayante de prime abord, sachez qu'il s'agit en réalité du plus grand des soulagements. Et ainsi, de la plus grande des réussites. Mais que chacun aille à son propre rythme…
Comme vous devez le comprendre, pour bien choisir son chemin (et non pas son but), il est indéniable d'avoir l'esprit clair et détaché. Pour un minimum de clarté et de détachement, il convient de se défaire un tant soit peu du joug de nos nombreux conditionnements dans lesquels nous sommes enracinés depuis la naissance. Si, en revanche, nous choisissons de suivre aveuglément nos conditionnements, nous devrions nous attendre à réussir… une vie de misère intérieure.
Pourquoi ? Parce qu'en plus d'être nourries par l'ignorance populaire, ces habitudes mentales sont construites sur toutes les tendances impures : le désir, la distraction, le rêve, l'entretien d'une image de soi, la soif d'ambition…
Un des plus grands obstacles à la pureté mentale, c'est l'égoïsme. Le moyen le plus efficace de réduire son intérêt pour soi est de s'intéresser aux autres, d'aider les autres, de donner de son temps pour les autres.
Tant que nous prendrons le succès pour but, nous ne serons pas affranchis de la peur, car le désir de réussir engendre inévitablement la crainte d'échouer.
Nous voulons tous être parmi les premiers, et ce désir ne cesse d'engendrer des conflits en nous-mêmes, ainsi qu'entre nous et nos voisins. Il mène à la compétition, à l'envie, à l'animosité et finalement à la guerre.
Toute notre éducation consiste à cultiver le cerveau parce que, cultiver une technique, l'acquisition du savoir, est une source de profit. Mais la capacité de voir le tout, la totalité de l'existence, une telle perception, ne nous est d'aucun profit, c'est pourquoi nous la dédaignons. Pour nous, la fonction est beaucoup plus importante que la compréhension. (…)
Combien nous respectons le savant et regardons de haut la cuisinière ! Combien nous considérons le premier ministre, le général et dédaignons le soldat !
Nous désirons tous le pouvoir. (…) Et le pouvoir est mauvais (…) parce qu'il force les autres à se conformer, à s'adapter ; et dans ce processus, il n'y a pas de liberté. (…)
Et, lorsqu'on recherche le pouvoir, on ne peut pas apprendre. Seul, un esprit jeune, frais, innocent, peut apprendre et y trouver ses délices, mais non pas un esprit, un cerveau, alourdi de savoir, d'expérience.
Quel que soit votre but, je vous souhaite mes bons vœux de réussite. Souvenez-vous toutefois que le grand avantage d'avoir pour seul projet l'instant présent, c'est de parvenir à son but dès maintenant.