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La vie monastique est votre voca­tion ? Avez-vous la sou­plesse et la fer­meté d'un moine ? Êtes-vous prêt(e) à obser­ver le vœu de pau­vreté ? Connais­sez-vous le noble regard ?

Découvez quelques uns des princi­paux conseils donnés aux aspi­rants au renon­ce­ment, comme à propos des éti­quettes, de la voie du milieu, des idées reçues…

Devenir moine

Souplesse et fermeté

Avertissement :
Cette page peut intéresser qui­conque, bien qu'elle s'adresse en par­ti­cu­lier à ceux qui aspi­rent au renon­ce­ment.

Le moine est en quelque sorte un “profes­sion­nel de la spiri­tua­lité” ; il s'y inves­tit jus­qu'au bout.

Cet article tente de fournir des indi­ca­tions utiles pour ceux qui hésitent.

Qu'est-ce qu'un moine ?

Que ce soit dans la tradition bouddhiste, chré­tienne ou autre, un moine est un être qui se consacre au renon­ce­ment, à la pauvreté, à la puri­fi­ca­tion de son esprit.

Le moine se doit de développer l'art du subtil équi­libre entre sou­plesse et fermeté.

Souplesse

Si vous vous apprêtez à vous retrouver confronté(e) à des conditions peu confor­tables (par rapport à l'absence de matelas, d'eau chaude, de nourri­ture de qualité de machine à laver, etc.), il vous faudra un esprit ayant la sou­plesse du caou­tchouc. En cas de difficulté, jouez la carte de l'accep­ta­tion, mais sans forcer. C'est-à-dire que vous la recon­nais­sez comme une épreuve qui vous aide à accroître votre déta­che­ment, votre capa­cité à vous con­ten­ter de peu, mais en même temps, vous vous entraî­nez à lâcher prise de votre mieux. Ce relâ­che­ment évi­tera toutes les résis­tances nui­sibles causées par l'habi­tude d'un esprit avide.

Pour développer un esprit souple, il vous faut obser­ver autant que faire se peut vos réac­tions inté­rieures, en parti­culier dans la diffi­culté. À l'aide d'une vigi­lance bien orien­tée, appre­nez à déceler toutes ces petites choses qui coincent au fond de vous. N'omettez pas tous ces petits commen­taires auto­ma­tiques qui tour­nent en arrière-plan, et qui comptent parmi les respon­sables de l'igno­rance. Exemples :

  • Il me parle comme si je ne comprenais pas. Pour qui il me prend ?
  • Pourquoi il faut toujours que ça tombe sur moi ? C'est pas normal !
  • Si ce chien de cesse pas d'aboyer, il va saccager ma méditation.

Fermeté

Si vous envisagez d'adopter une pratique fruc­tueuse, il vous faudra savoir dire non avec la fermeté d'une guillotine. Si vous ne savez pas dire non, c'est certain, vous ne tarde­rez pas à vous laisser corrompre.

À notre époque, il est si facile d'accumuler des choses. Para­do­xa­le­ment, on donne beaucoup à ceux qui sont censés renoncer. En con­tri­buant aux besoins (suppo­sés) des moines, les bien­faiteurs visent avant tout leurs propres mérites. La géné­ro­sité est bien plus facile que le renon­ce­ment. Il est donc d'autant plus diffi­cile pour les renon­çants de se défaire.

Exemple. Vous possédez une vieille lampe de poche qui fonc­tionne encore très bien quand vous devez tra­ver­ser un bois avant le lever du soleil. On vous fait cadeau d'une nou­velle lampe, au beau design et qui offre un beau faisceau. Qui veut résister à cette petite tenta­tion ? Et c'est la même chose avec ce énième châle, ces cou­ver­tures épaisses, ces mouchoirs en tissu de qualité, ces savons qui sont mieux les uns que les autres, ces calen­driers, ces piles de livres, ce lourd coussin de médi­ta­tion soi-disant spécial, comme si le seul fait le s'asseoir dessus doublait calme et sagesse, ce service de tasses japonais, tous ces thés, tous ces paquets d'encens, tous ces pots de gélules aux plantes soi-disant indis­pen­sables à la santé, etc.

En entrant au monastère, vous n'aviez qu'un bol, deux robes, un réveille-matin, une brosse à dents et votre passeport. Après quel­ques mois, si vous changez de monas­tère, une camion­nette devient néces­saire.

Si, au lieu de considérer le matériel comme un simple moyen d'exis­tence, un moine le perçoit comme un outil de confort et de plaisirs, il est condamné à être empêtré et gâté (dans tous les sens du terme), com­plè­te­ment écarté de ce à quoi il était censé aspirer : le déta­che­ment, la puri­fi­ca­tion de son esprit.

Savoir dire non

Voici un court extrait de la liste sans fin des cas où le moine devrait être capable de dire non :

  • Non, je ne veux pas de visiteurs dans mon monas­tère (cela va créer de l'agi­tation, du bruit et du bavar­dage).
  • Non, je ne veux pas d'objets décoratifs, ni de statues, ni de fleurs (c'est inutile, cela prend la pous­sière et du temps pour s'en occuper).
  • Non, je n'ai pas besoin de toutes ces offrandes (l'accu­mu­lation est un danger à ma pratique de déta­che­ment et de conten­te­ment).
  • Non, je ne dors pas sur ce matelas (il devient diffi­cile de renon­cer lors­qu'on s'attache au confort).
  • Non, je n'ai pas besoin de manger ça (il devient diffi­cile de méditer lors­qu'on mange plus que néces­saire).

L'un des “non” les plus importants pour un moine :

  • Non, je ne veux pas vivre trop près des villes et des villages.

Vœu de pauvreté

Si Bouddha, Jésus, les ascètes et les moines (sérieux) de toutes tradi­tions obser­vent la pau­vre­té, c'est pour une bonne raison. Il ne s'agit pas de som­brer dans la misère. Dans notre contexte, la pauvreté désigne le fait de se con­ten­ter du mini­mum. Il s'agit d'éviter tout super­flu et par consé­quent de ses nom­breux incon­vé­nients :

  • Attachements
  • Entretien
  • Surveillance
  • Jalousie et convoitise des autres
  • Déterioration
  • Perte
  • Limitations

Dépourvu(e) de toute richesse et de toute posses­sion, vous avez l'esprit léger, vous n'êtes attaché(e) ni par un lieu, ni par des habi­tudes de confort. Vous êtes libre d'aller là où le vent vous mène.

En réalité, quand vous renon­cez à tout, vous n'êtes ni riche, ni pauvre, car vous êtes véri­ta­ble­ment en dehors de tout. Vous ne possé­dez rien, mais le monde entier vous appar­tient ! Où que vous vous trouvez, votre énergie saine attirera conti­nu­elle­ment la pro­tec­tion sur vous.

La pauvreté constitue une condition mer­veil­leu­se­ment favo­rable pour l'humilité et l'accep­ta­tion, qui comptent parmi les piliers du dévelop­pe­ment de la sagesse. Redou­tée par l'humain moyen, la pau­vreté est recher­chée par les sages, car ils aiment ce qui est simple, vide et léger. Celui qui renonce à tout devient natu­relle­ment pauvre, mais enclin à ce qui est juste à chaque instant. Libre de tourment et de manque, il compte parmi les êtres les plus riches, car juste­ment, il n'y a pas à se soucier d'avoir assez.

Si vous voulez expérimenter le bonheur de la richesse, ne veillez pas à demeu­rer au-des­sus du seuil de pauvreté, mais au-dessus du seuil de conten­te­ment. Qui­conque peut faci­le­ment franchir ce dernier, avec : une sur­veil­lance de ses pen­sées avides, une bonne grati­tude et une pointe de sagesse.

Kassinou le détracteur

Renoncer à tout, se détacher de tout, ne plus rien posséder… Facile à dire ! Et d'ail­leurs, même toi t'en n'es pas capa­ble ! Y a qu'à voir tout ce qu'il y a dans ta cabane : 4 lampes de poche, 3 para­pluies, 3 paires de tongs, 2 paires d'oreil­lettes, 2 anto­noirs, toutes sortes de pièces vesti­men­taires, tout plein de tisanes, je con­ti­nue ?

J'aurais dû te mettre une muselière, toi ! Bon… Quoi dire ? Si je garde le silence, on pen­sera que je ne suis du genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Si je tente de me justi­fier, ce sera encore pire…

Le mieux est d'accepter la réalité avec humi­lité, n'est-ce pas ? J'accepte donc d'être atta­ché au déta­che­ment, un atta­che­ment subtil qui peut se mani­fester chez cer­tains moines. Pour être honnête, il me faut aussi confes­ser que chez moi, cet atta­che­ment génère une certaine fierté quant à ma capa­cité (relative) de me con­ten­ter de peu. Pour cette raison, j'ai chauffé de honte quand Kassi­nou a décrit quel­ques-uns des objets que je conserve ici, même si rien n'est employé à des fins dis­trac­tives. Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais prétendu être un renon­çant exem­plaire.

Dévoiler publiquement ses faiblesses est en tout cas un excel­lent exercice. Cela m'amène à la recom­man­da­tion suivante pour qui aspire au déve­lop­pe­ment spirituel :

Aspect essentiel de l'acceptation

Pour des progrès concrets et signi­fiants, il importe de recon­naître et d'accepter ses moindres erreurs, défauts et fai­blesses.

Mon propre cas servant maintenant d'illus­tration, il est bien de se rappeler que la puri­fi­cation de l'esprit, ce n'est jamais tout ou rien. C'est un long esca­lier que chacun monte marche après marche. Plutôt que de jeter toutes vos posses­sions par la fenêtre, prenez l'habi­tude de vous conten­ter de moins. Lorsque vous acquerrez la capa­cité d'adopter un mode de vie modeste, vous pourrez envi­sager la vie mona­cale. L'idéal, bien sûr, sera de pouvoir faire entrer l'en­semble de vos posses­sions dans un petit sac.

Cela m'est bien arrivé lors de peti­tes pério­des, mais je ne pré­ten­drai pas être capa­ble de le faire dura­ble­ment tant que ce ne sera pas le cas. Parce que – et c'est matière à médi­tation ! – quoi que nous aimons à penser, tant que nous n'accom­plis­sons pas effec­ti­ve­ment une chose qui nous tient à cœur, c'est que nous n'en sommes pas réelle­ment capa­bles. Autre­ment, nous serions déjà en train de le faire. L'exem­ple le plus connu sont les fumeurs qui dé­cla­rent :

  • J'arrête quand je veux !

Le noble regard

Au cœur de la vie monastique, nous trouvons la res­treinte. Si l'habit ne fait pas le moine, c'est la capa­cité à se res­treindre qui le fait.

Voir aussi :
Dans l'article “La vertu” :
La restreinte

Des six sens, la vue est, de loin, le plus sujet à la distrac­tion. C'est pour­quoi il im­porte au moine de s'en pro­téger avec rigueur. Selon le lieu, d'innom­bra­bles sources de diver­sion et d'atta­che­ments peuvent appa­raître à travers le regard.

Règle monastique bouddhique

Maintenir le regard toujours vers le bas, dans les zones habitées.

Bien que cette règle ne concerne que les zones habitées, il est propice de le faire tout le temps. Au temps où Bouddha a établi cette règle, les moines vivaient en pleine forêt ou dans des monas­tères très modestes. Aujourd'hui, la distraction est omni­pré­sente, même dans les monastères !

Regarder autour de soi, c'est comme bavarder ; c'est le bavar­dage des yeux. Bien sûr, le moine lève les yeux quand cela est néces­saire, comme pour tra­verser une route ou cher­cher des indi­cations. Le reste du temps, cela ne ferait que dis­perser son atten­tion. Garder le regard en bas est une grande force.

Quand le regard reste en bas, paradoxa­lement, on voit plus de choses. L'œil n'est plus absorbé par des dis­trac­tions, il est posé (dans tous les sens du terme). L'esprit a meil­leure cons­cience de ce qui se passe ; ce qu'il a besoin de savoir vient natu­relle­ment à sa connais­sance, le reste n'importe pas. Le regard vers le bas est une excel­lente habi­tude pour la vigi­lance inté­rieure. En outre, elle inspire le respect.

Extrait du roman La fillette et l’ascète

  • Je t'observe depuis un moment, et je vois bien que t'es calme comme un sadhou qui cherche l'Éveil, que t'as pas les yeux qui bougent dans tous les sens comme les sadhous qui se donnent en spec­tacle pour avoir de la thune.
Lire le roman :
La fillette et l’ascète

Le moine s'abstient aussi de se préoccu­per de ce qui ne le regarde pas. S'il laisse son regard intervenir, ce sera seule­ment pour aider, pas pour émettre des pensées néga­tives.

Règle monastique bouddhique

Ne pas regarder dans le bol d'un autre dans le but de cri­tiquer.

Le regard maîtrisé est aussi un excellent remède contre la curio­sité, qui n'est qu'une forme d'avi­dité. Quand nous enten­dons des pas, il est inutile de tourner le regard pour voir de qui il s'agit. Si que­lqu'un doit venir, il viendra jusqu'à nous.

Conseils aux aspirants à la vie monastique

La fin des étiquettes

Si vous souhaitez expérimenter la vie monastique, il vous faut bien com­pren­dre que cela im­plique de renon­cer à tout, y compris le fait d'être quel­qu'un ! Alors seule­ment, il sera possible de s'investir plei­ne­ment dans la médi­tation et la sagesse. En prenant la robe, vous quittez tout, ce qui inclut le monde et les rela­tions so­ciales. Ne faites pas l'erreur que beaucoup commet­tent. En deve­nant moine, ils s'attri­buent une nou­velle éti­quette. Ils pensent que moine, c'est être quel­que chose, alors que cela revient juste à ne plus être rien du tout.

Ne vous couvrez donc pas de la robe monacale comme d'un uniforme qui méri­terait le respect. Faites-le comme un men­diant qui vient de tout aban­donner jusqu'à son nom, qui se couvre hum­ble­ment pour se pro­téger des intem­pé­ries et de sa nudité.

Détérioration des moines

Bouddha a exposé à ses moines les 8 choses qui mènent à la dété­rio­ra­tion d'un moine. Natu­relle­ment, ces points valent aussi pour les moines, moniales, sadhous et ermites des autres tra­ditions.

  • la complaisance dans les activités
  • la complaisance dans les conversations
  • la complaisance dans le sommeil
  • la complaisance dans la socialisation
  • l'absence de protection à l'entrée des facultés senso­rielles
  • l'absence de connaissance de la bonne mesure avec la nour­riture
  • la complaisance dans l'association avec les autres
  • la complaisance dans la prolifé­ration mentale

Chacun de ces points est à méditer soi­gneu­se­ment.

La bonne hauteur

Mettre la barre trop haute peut être aussi néfaste que de la mettre trop basse. La voie du milieu im­plique que la barre soit placée à la bonne hauteur.

Métaphore des pompiers

Si la barre est un tantinet trop basse, vous sombrez dans le confort matériel, vous n'avan­cez plus. Vous êtes comme le pompier qui verse des tasses d'eau sur les grandes flammes : tout finit par brûler.

Si la barre est un peu trop haute, vous ne tardez pas à vous décou­rager et à sombrer dans la frus­tration. Vous êtes comme le pompier qui veut jouer les héros en fonçant tête baissée dans les flammes : il finit par se brûler lui-même.

Apprenez patiemment à user de vos efforts, endu­rance et atten­tion là où il convient de les appliquer. Alors vous acquier­rez la capa­cité d'éteindre les flammes de vos poisons mentaux.

Un bain d'extase ?

À propos de la vie monastique, à cause de certains clichés répan­dus dans le cinéma et la litté­rature, nous tendons à entre­tenir une vision bien erronée. Ainsi, nous nous imagi­nons volon­tiers entou­ré(e) d'une forêt plus verte que verte, dans un petit temple admi­ra­ble­ment esthé­tique, à la toi­ture asia­tique. Nous trônons paisi­ble­ment en lotus, au milieu d'une pièce à la déco­ration zen, par­fai­te­ment propre et dont le plancher est d'un bois noble. Dans cette atmos­phère de silence délec­table, nos jour­nées se passent dans la plus pro­fonde paix.

  • Allo, ici la Terre…

Alors que voulons nous ? De beaux fantasmes ou péné­trer au cœur de la réalité ?

La nonne Piyadassì a dit :
Où que tu ailles, tu emportes ton karma avec toi.

Bien sûr, il peut y avoir des périodes où la méditation apporte un grand confort inté­rieur. Toute­fois, tôt ou tard, le moine se con­fronte iné­vi­ta­ble­ment à des épreu­ves… éprou­vantes, allais-je dire. Il doit même s'en réjouir, car ceux sont elles qui lui per­met­tent de grimper les marches de l'esca­lier qui mène à la Déli­vrance.

Qui est prêt ?

Ceux qui sont prêts pour la vie monas­tique sont géné­ra­le­ment ceux qui ne souhai­tent plus rien. Sans porter la robe, ils sont déjà moines dans leur cœur. Ce qui amène à la réfle­xion sui­vante : pour­quoi ne pas envi­sager plus sim­ple­ment de rester une personne qui cultive vertu, méditation et dis­cer­ne­ment, sans aucun autre projet ?

Comme je dis souvent :
Mieux vaut être un bon laïc qu'un mauvais moine.

Osons l'affirmer : presque tous ceux qui veulent être moine n'en ont pas la matu­rité. En revanche, tous ceux-là sont prêts pour s'essayer à une telle expé­rience, puis­que la plu­part des ordres monas­ti­ques pro­po­sent des périodes de novi­ciat, et même des ordi­na­tions tem­po­raires dont vous êtes tota­le­ment libre de la durée. Alors pour­quoi se priver d'une période d'essai ? Au mieux, vous cons­ta­terez que telle est votre voca­tion. Au pire, vous vivrez une péné­trante expé­rience qui vous appor­tera de grands béné­fices, quoi que vous serez amené(e) à faire par la suite.

Avant l'installation complète dans la vie monas­tique, rien n'est tel qu'une bonne démo.

À lire aussi :

Les préceptes

Les énergies